"Être médiateur c'est avoir l'ambition de la disparition du médiateur."

Tendre à l'autonomie du visiteur, lui tenir la main un temps pour lui donner la confiance en son regard et en son jugement. Ainsi lui transmettre le plaisir de ne pas savoir, de se perdre et de suivre le chemin qu'il lui semble juste, tout en sachant qu'il en existe d'autres possibles. En tâtonnant, en apprenant, en évoluant mais en étant à chaque fois au plus près de son propre regard, tout en le pensant évolutif. Prendre plaisir à cette liberté avec l'art. En faire son jouet ! Il s'agit bien là de jeu. Un jeu dont on n'a pas les règles. À nous de les inventer et d'en inventer plusieurs pour la même œuvre.

L'œuvre comme une liberté de jouer voilà ce que le groupe Commando a mis en pratique.

Une sorte d'activation artistique qui a aussi à voir avec la création, la création du médiateur ou tout simplement la création du regardeur. Impulser pour cela une légèreté et un humour pour tendre à en faire une fête ! Flirtant avec l'interdisciplinarité et le dialogisme, cela a souvent pris la forme de jeux de correspondances : si cette œuvre était un morceau de musique ou un son, une pièce de théâtre ou un bout de dialogue, une danse ou une position du corps, une poésie ou un mot, une autre image ou un croquis, un animal, un paysage, un goût, une odeur, un plat… une histoire personnelle… DES histoires personnelles ! La médiation prend alors la position de transmetteur de la pluralité des regards. L'œuvre se pare et s'enveloppe de tous ces regards différents et, ainsi, enrichie, elle s'autonomise de son auteur premier, l'artiste. Elle vit sa vie d'œuvre s'émancipe des discours officiels et devient initiatrice de création libre entre les regardeurs. Elle est offerte, ouverte, vivante. Elle se transforme, elle est libre, elle est plurielle.

Cette pluralité s'étoffe avec une diversité des publics et amène donc à développer une médiation certes artistique mais également collaborative visant à un ancrage social et citoyen de l'art. Des partenariats avec divers acteurs du champ social sont donc à développer en ce sens sans omettre le croisement de ses différents publics. Continuer à inventer des médiations créatives en y ajoutant l'ambition de ces croisements de publics et réaliser le compte rendu de ces expériences pourrait être le prochain chantier du groupe Commando. L'utilisation des méthodes de pédagogie active et émancipatrice (à revisiter avec d'autres groupes de travail) peuvent aider à l'appropriation par chacun de ce corps souvent étranger qu'est l'art contemporain.

La condescendance de la médiation qui accompagne souvent le milieu de l'art ne peut s'estomper que si nous, gens de l'institution artistique, pensons que ces publics ont quelque chose à offrir à l'art. Un juste et véritable partenariat doit pour cela se mettre en place."¹

1. Anne Santini, août 2021