Médiation écrite

Le groupe Médiation écrite rassemble plusieurs membres du LMAC autour de la question des outils mis à disposition des publics dans les expositions. Car si les textes sont souvent recherchés par les visiteurs, ils sont rarement signés par les médiateur·rice·s.

Quand naît ce groupe de travail en 2008, la mission des médiateur·rice·s se concentre sur l'échange oral et les ateliers. Certain·e·s déclarent être plus à l'aise dans la parole que dans sa transcription. Elles et ils ne se sentent pas toujours légitimes à rédiger un document, étant par ailleurs sollicité·e·s tardivement dans le projet d'exposition, et non au moment où se construit la programmation. Il leur est en conséquence difficile d'anticiper une documentation. L'action du groupe de travail s'est déclinée en trois moments : la mise en place d'une évaluation des outils de médiation, accompagnée par Jean-Christophe Vilatte (Maître de conférence en Sciences de l'éducation à l'Université de Lorraine et chercheur au Laboratoire Culture et Communication de l'Université d'Avignon) ; une rencontre professionnelle sur deux jours en 2010 : « La médiation écrite en art contemporain, un espace partagé » ; et bien sûr, des expériences d'écriture dans différents lieux d'exposition, aboutissant à des outils transmis aux publics.

QUELQUES EXEMPLES DE MÉDIATIONS ÉCRITES

Les objectifs de la médiation écrite

Les textes présents dans l'exposition sont souvent du fait des commissaires d'exposition, dont le propos peut être abscons, élitiste. Installés en début de parcours, ces écrits peuvent décourager le·la visiteur·euse et conforter le sentiment que l'art contemporain est excluant. L'intérêt pour le·la médiateur·rice de rédiger des outils d'accompagnement est multiple : en art contemporain, les écrits sur les œuvres sont souvent peu nombreux. Par ailleurs, les expositions sont généralement in situ, leur scénographie unique et non transposable : le document doit accompagner la déambulation du·de la visiteur·euse tout en encourageant le développement de son interprétation personnelle. L'enjeu du groupe est de s'approprier l'écrit afin d'appliquer aux textes les enjeux premiers de la médiation, notamment :

  • permettre l'autonomie du·de la visiteur·euse au sein de l'espace d'exposition. Ne pas guider le·la visiteur·euse ;
  • favoriser son interprétation libre ;
  • dédramatiser la relation du·de la visiteur·euse à l'œuvre ;
  • apporter des éléments de contextualisation.

Qu'est ce que la médiation écrite ?

Ce sont les outils écrits mis à disposition pour une exposition. La notion de médiation telle qu'elle est ici usitée est à entendre comme « intermédiaire » entre le·la visiteur·euse et l'exposition. Car il est à noter que bien que désignés comme textes de médiation, plusieurs exemples cités dans cette étude sont affiliés à d'autres fonctions : communication, critique, commissariat… Chacun possède un intérêt propre, mais son contenu n'est pas toujours appréhendable comme une médiation telle que la définit le réseau LMAC.

Typologie des documents de médiation écrite

L'Université d'Avignon (Culture & Communication, centre Norbert Elias, dirigée par Daniel Jacobi) a distingué quatre types de textes de médiation écrite :

  1. les avant-textes - textes préalables à l'exposition (synopsis du·de la commissaire / affiches / flyers / textes du site internet / dossiers de presse…) ;
  2. les endo-textes – textes inclus dans le parcours d'exposition (panneaux / signalétique / cartels…) ;
  3. les exo-textes – documents consultables dans l'espace d'exposition, optimisant la visite (feuille de salle / journal / livret…) ;
  4. les textes périphériques – textes archivant l'exposition ou produisant des connaissances supplémentaires (catalogues / textes critiques…). 

Enseignements du groupe de travail

Il est important d'accorder une place non-accessoire à la médiation écrite (par le·la médiateur·rice), de la légitimer, et de lui ménager un temps de travail pour qu'il·elle produise un contenu de qualité. Trop souvent en effet, les outils de médiation n'existent que si le·la professionnel·le a un moment pour s'atteler à la tâche, ils ne sont pas perçus comme faisant partie de ses missions. Les expériences menées par le groupe ont interrogé la place de l'écrit, et le moment de la rédaction.

L'écrit est-il approprié à la médiation de l'art contemporain ? L'art contemporain est en mouvement permanent. L'exposition est une forme temporaire, or l'écrit la fige. La nature même des contenus est à interroger : parler des œuvres exposées, ou bien y préférer un propos plus large, traitant du concept de leur création ? Faut-il accepter que cet écrit soit temporaire, qu'il ne soit pas de nature à documenter l'œuvre de l'artiste sur le long terme tant son usage est lié au temps de l'exposition ?
Un document de médiation doit-il être nécessairement concis ? Se pose ici la question de la lecture diagonale, que l'on suppose être celle du·de la visiteur·euse. La brièveté pourtant n'est pas systématiquement une réponse adéquate. Il faut envisager le besoin de certain·e·s d'en savoir plus, et organiser, pourquoi pas, les documents en "niveaux de médiation" : une première approche sous forme de document court, puis des contenus plus développés pour qui souhaite approfondir.
Peut-on réaliser un outil de médiation écrite avant que l'exposition soit montée ? La réponse dépend du type d'exposition, mais en règle générale, il est complexe pour le·la médiateur·rice de rédiger un document au préalable, sans faire l'expérience des œuvres dans l'espace, de la manière dont la scénographie influe sur le parcours du·de la visiteur·euse.
Quelle forme donner au document de médiation écrite ? Les formes de l'écrit peuvent être variables : cartels développés, textes affichés ou à emporter, jeux pour les (jeunes) publics… Mais toujours se pose la question de la forme : c'est le premier contact avec le·la visiteur·euse, qui choisira ou non de s'en emparer. De cette question découle celle du graphisme : qui met en page le document ? Est-ce un·e graphiste professionnel·le lié·e au lieu, ou le·la médiateur·rice dont les compétences ne sont pas toujours suffisantes pour proposer une forme adéquate ? L'appel à un·e professionnel·le contribue à la qualité du document, mais entraîne un coût et un délai, à anticiper si l'on souhaite proposer un outil à la fois en écho avec l'exposition, et disponible dès son ouverture ou dans les premiers jours.
Ce document doit-il être neutre dans le ton qu'il emploie ? Le groupe de travail a au contraire adopté des tons différents : fiction, transmission du ressenti personnel du·de la médiateur·rice face à une œuvre (cet exercice était particulièrement intéressant pour les médiateur·rice·s écrivant sur les expositions d'un lieu dans lequel ils·elles ne travaillaient pas au quotidien). Des écritures hétérogènes et originales ne semblent pas hors de propos dans un lieu de création, la créativité de l'écriture peut faire écho aux œuvres. Mais il faut maintenir l'équilibre afin que le document de médiation ne prenne pas trop de place dans l'exposition, en choisissant son emplacement et sa forme.
Où positionner les documents de médiation dans l'exposition ? La place de la médiation écrite dans le parcours du·de la visiteur·euse est importante : il·elle doit trouver les outils, sans pour autant qu'ils s'imposent et deviennent des béquilles à sa visite. L'emplacement des textes (dans l'exposition ? dans un espace dédié ? à l'accueil ? sur les murs ou en documents libres ?…) est à réfléchir à chaque nouvelle exposition. Il est à noter que l'écrit de médiation est rarement le seul dans l'exposition, et qu'il doit tenir compte des textes d'intentions, dossiers sur l'artiste… déjà positionnés.
Qui signe le document de médiation ? Un document de médiation doit répondre à une intention de médiation. Tout document disponible dans l'exposition n'est pas médiation (texte d'intention, article de presse, texte critique…). Le·la médiateur·rice est le·la mieux placé·e pour adopter une posture d'accompagnement, laissant la place à l'interprétation du·de la visiteur·euse sans influencer son opinion sur les œuvres. Pour autant, sa parole peut être subjective et incarnée, tout étant question de dosage entre le partage d'une expérience personnelle et la volonté d'encourager la multiplicité des lectures de l'œuvre. La subjectivité est dans la médiation orale un outil pour encourager le·la visiteur·euse à exprimer son point de vue, il peut être d'intérêt dans les documents écrits. Dans les textes de médiation, l'expression de la subjectivité doit être étayée d'une connaissance sur les œuvres, afin de ne pas se contenter d'être un partage d'expérience : le·la médiateur·rice doit assumer ne pas être un·e visiteur·euse sans bagage culturel. Le·la médiateur·rice ne doit pas non plus se contenter d'être le·la porte-voix du discours institutionnel, dans cette logique d'ouverture de l'œuvre.
Un écrit de médiation peut-il être critique ? Corollaire de la question précédente : un·e médiateur·rice n'est pas nécessairement neutre dans son style, mais pour autant, il·elle ne doit pas influencer positivement ou négativement son·sa lecteur·rice. Il·elle représente avant tout une structure, qu'il·elle ne doit pas mettre en difficulté, mettant en jeu son objectivité.

BIBLIOGRAPHIE