La médiation en art contemporain

Selon le LMAC, la médiation en art contemporain est un espace de rencontres. Elle peut être promesse d'ouverture, d'écoute et de lâcher-prise. Elle est assurément propice au partage et à l'échange autour de cet objet qu'est l'art contemporain. Le·la médiateur·rice propose des clés au regardeur de l'art pour activer sa curiosité. C'est à partir de diverses « stratégies » employées (échanges, transmission, décodage, participation...) qu'il·elle fait preuve d'adaptation pour accompagner chacun et chacune à vivre une réelle expérience face à une œuvre d'art contemporain.

Propice - pour une médiation en questions

L'apparition du terme de médiation culturelle ne peut se défaire des politiques culturelles qui ont accompagné la création artistique. Ces politiques ont défini en creux le devenir des métiers de la médiation. La volonté gouvernementale de rendre la culture accessible à tous s'est traduite par différentes mesures instaurées depuis les années 80, favorisant notamment la décentralisation et la diffusion de l'art contemporain dans le but d'accompagner sa « démocratisation ».  Ainsi se sont dessinés les contours des métiers accompagnant les publics, dans des élans de perméabilité. C'est à partir des années 2000 que se posent les bases de la médiation en art contemporain ; objet dont la définition et la perception sont déjà pleines d'a priori

Le travail des médiateurs·rice·s pourrait alors s'avérer de les déconstruire et de s'en servir pour renverser la tendance du public à l'approche de l'œuvre d'art contemporain.

Ni guide, ni conférencier, les métiers de la médiation trouvent alors peu à peu leur place dans les structures de diffusion et de production de l'art contemporain.  Ils se font les intermédiaires discrets entre les œuvres et les publics. Ainsi les musées, les centres d'art, les Fonds Régionaux en Art Contemporain, instaurent des situations d'échanges, autour et par l'œuvre, avec leurs publics. La médiation en art contemporain ou la médiation de l'art contemporain s'entend alors comme une pratique propice à créer des espaces de rencontre entre les pratiques artistiques contemporaines et les citoyens.

En tant que laboratoire d'idées partagées entre les médiateur·rice·s de différentes structures d'art contemporain, les membres du LMAC se rassemblent depuis 2002 pour mettre en commun leurs expériences, leurs recherches sur des dispositifs et débattre sur ce que peut être, justement, la médiation en art contemporain.

Rencontre, partage, échange, curiosité, lâcher-prise - une médiation désirée

Le premier constat est qu'il y a autant de manières de penser la médiation en art contemporain que de professionnel·le·s qui la pratiquent. Une certitude cependant : il s'agit d'une affaire de rencontres. « Rencontrer » se définit comme l'acte de se rejoindre, de confluer, d'entrer en collision, de se trouver, de constater, d'exister ! Il s'agit pour deux éléments  - objet et/ou sujet selon le contexte de la rencontre - de se trouver en même temps au même endroit mais aussi de faire connaissance. Avec l'artiste parfois. Avec l'œuvre toujours et sa polysémie. Avec le regardeur inévitablement. Rencontrer donc afin d'aiguiser sa curiosité !

Le·la médiateur·rice en art contemporain serait alors celui qui installe des conditions favorables à cette rencontre. Son travail consisterait à l'aménagement d'espaces et de temps communs pour échanger autour de l'art contemporain. Imaginons que cet espace-temps ait la forme d'une triangulaire de partages : le lieu de l'œuvre – le passeur – les publics (au pluriel tant les singularités peuvent être multiples). Certain·e·s d'entre nous parlent d'une médiation construite sur le principe d'une maïeutique : d'abord interroger pour accueillir les premières pensées et les perceptions sensibles du visiteur. Puis, dans un second temps, en faire un « regardeur » attentif en l'informant de l'adage établi par Marcel Duchamp : « C'est le regardeur qui fait le tableau ! ». Finalement, il s'agit de partager l'expérience du regard porté sur l'objet. Cette « stratégie » employée par le·la médiateur·rice en art contemporain, favorise le lâcher-prise car il·elle permet d'escorter les paroles sous la forme de ressentis, d'idées, de connaissances…

Le·la médiateur·rice en art contemporain, par son accompagnement du regard et de la parole, par son invitation à l'interprétation et à l'échange, met en œuvre des « stratégies » adaptées à l'émetteur, au récepteur et au contexte. Et ce pour que « tous les chemins mènent à l'œuvre ».

Décodage, participation, transmission, clés - une médiation construction

Ainsi l'enjeu commun à toute action de médiation serait de réunir les conditions favorables d'une rencontre entre œuvres et publics.

Pour se faire, les  métiers de la médiation sont amenés à développer diverses approches de la création contemporaine en fonction du public impliqué. Ateliers, visites, résidences, projets scolaires, projets hors les murs, invitent à un décodage individuel ou collectif en sollicitant la participation et l'interaction des publics comme une des démarches possibles de la découverte. Si une des principales missions de la médiation est la transmission, c'est avant tout une affaire d'expériences et de rencontres. La médiation vise à s'approprier des outils culturels permettant à long terme l'apprentissage de la réception des œuvres d'art afin que la création touche de manière durable les publics. C'est ainsi que naissent certains projets culturels construits avec des partenaires extérieurs aux structures d'arts contemporain et/ou avec des artistes.

Ces enjeux de découvertes et d'éveils à la création sont devenus depuis quelques années une volonté nationale grâce au programme d'éducation artistique et culturelle (EAC). Ce dispositif  permet une sensibilisation à l'art dès le plus jeune âge et inscrit cette démarche dans le temps, tout au long du parcours des enfants. L'éducation artistique et culturelle est une collaboration entre les collectivités territoriales et le ministère de la Culture, représenté par ses Directions régionales des affaires culturelles (DRAC) et les structures d'art contemporain. Ces actions et dispositifs de médiation sont tout autant de clés de construction du regard.

C'est donc tout naturellement que le LMAC devient un espace permettant à ces membres de partager ces projets, d'en parler, de les faire connaître et de questionner la construction de la médiation. Ces espaces possibles de constructions en commun ont par exemple permis à certains membres du réseau de réaliser le projet Art contemporain et déficience visuelle, en partenariat avec l'équipe ​​ du CESDV-Institut des Jeunes Aveugles de Toulouse. Les participant·e·s, issus de ces deux milieux professionnels, se sont côtoyé·e·s durant plusieurs mois et ont appris à comprendre leurs métiers et enjeux respectifs. Sur un principe de co-formation, ils·elles ont échangé et ont expérimenté ensemble de possibles dispositifs favorisant l'approche de l'art contemporain par et pour les malvoyants ou non-voyants. Ce projet qui a abouti est un exemple de dispositif construit grâce à un partenariat et des échanges entre des professionnel·les issu·e·s de milieux différents mais investis dans un même engagement.

Écoute, bienveillance, adaptation, sollicitude - une médiation en forme 

Le dispositif le plus innovant reste la médiation humaine. En effet, une des nombreuses compétences demandée est le « savoir-être » face à un public : se positionner, regarder l'autre, être sincèrement avec lui dans ces espaces-temps partagés devant l'œuvre, ne pas le juger, l'écouter, être bienveillant dans les échanges, maîtriser la prise de parole en public mais aussi dans un va-et-vient plus personnel, avec l'autre, toujours. Certains parlent de sollicitude avec l'idée sous-jacente de prendre soin, de porter une attention soutenue à un sujet / un objet.

Les médiateur·rice·s travaillent dans des structures d'art contemporain ayant chacune leurs spécificités de missions, de statut, de territoire, d'équipe. Les professionnel·le·s de la médiation en art contemporain s'adaptent à la situation, à l'artiste, au temps et à l'espace de travail consacré, aux moyens mis en place (qu'ils soient matériels ou financiers), à la situation des publics, à leur âge, à leur prédisposition et aux partenaires avec qui il travaille. Cette médiation humaine peut être accompagnée d'outils tels que fiche de salle, dispositifs, livret de visite, dossier documentaire, pédagogique, qui sont préparés. Pour ce faire, il aura lui aussi, en amont, reçu l'œuvre ; il y aura réfléchi, travaillé, senti ce qu'elle impliquait et évoquait. Ainsi, il partage sa propre réception de l'œuvre ou en tout cas la démarche qu'il a fait lui-même à l'approche de l'œuvre.

Il est aussi, et bien sûr, question, de savoir-faire, de compétences et de connaissances de l'art contemporain. Son travail consiste à « aiguiser » son regard, à découvrir. Il se doit, par exemple, de multiplier ses expériences face aux œuvres pour s'en « nourrir ». Les retrouvailles lmaciennes permettent également cela : se rassembler pour partager, entre médiateur·rice·s, une exposition, une œuvre, la découverte d'un atelier et la rencontre avec un artiste ou avec d'autres professionnel·le·s de la culture. Le·la médiateur·rice doit être en forme : de cela dépendent les formes de la médiation en art contemporain.

Pour conclure - la médiation « tout un monde »

Extraits de citations des membres du réseau, qui ont répondu à la question Qu'est-ce que la médiation en art contemporain ? :

  • « L'objectif n'est pas de rendre facile, mais de faciliter les possibilités de rencontre  »
  • « C'est une façon d'engager le dialogue entre l'œuvre – l'artiste et le regardeur sur le monde qui nous entoure  »
  • « La médiation est un outil qui permet de désacraliser l'art contemporain, accompagner pour mieux regarder »
  • « J'ai l'impression que c'est un maillon indispensable de la chaîne »
  • « Un trait d'union »
  • « Sa force réside dans la possibilité de créer du lien avec tout un chacun, à travers diverses formes en constante évolution »
  • « Nous leur transmettons des clés de lecture, sans toutefois les imposer »
BIBLIOGRAPHIE